Accéder au contenu principal

Les poèmes de Sissi

Mémoire de validation des connaissances de l'ORA (ex-RAO)

Remarque : j’ai contracté ici divers chapitres de mon travail, titré Sur les traces d'Elisabeth (en date du 20 mai 2000et validé par Yves Christiaen, Président de l'association à cette époque), ce qui peut nuire à la cohésion astrologique de cette page, voire à diverses redondances. Veuillez m’en excuser.  

Élisabeth de Wittelsbach, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, est née le 24 décembre 1837 à Munich, à 22 h 43’, ASC 18° 17’ Vierge, Lune 27° 50’ Scorpion.

TN Sissi
TN Sissi

1/ Le Scorpion en Maison III

Observons la Maison III, celle de la communication et de l’écriture. Elle se trouve en Scorpion, sous la maîtrise de Pluton en Maison VIII.

Théoriquement, la Maison III est une Maison d’Air (analogie avec les Gémeaux), tournée vers l’intellect. Pourtant, Élisabeth l’expérimente davantage à travers ses instincts : émotions violentes, pulsions ravageuses, tendances destructrices et jusqu’au-boutisme. Le Scorpion, doté d’une lucidité aiguë mais indisciplinée, fait d’elle une chercheuse ardente de vérité, prête — à l’image de l’animal — à piquer autrui, ou à défaut, à se piquer elle-même.

Oui, Élisabeth est piquante, tant dans ses propos que dans ses écrits. La Cour, « aux stupides racontars », lui inspire d’innombrables poèmes sarcastiques : 

« ...Dames du Palais décorées de la Croix étoilée ;

(Elles sont grosses et souvent bêtes).

Oh, comme je connais bien vos manières !

Je sais, depuis ma plus tendre jeunesse,

Ce qu’est l’outrage de vos calomnies

Et la sainteté de vos contorsions... »

François-Joseph l’accuse d’être « méchante et cassante », elle n’en a cure et se gausse de lui :

« ... L’aube à ma table de travail

N’a pas manqué de me trouver

Et pour rester bien consciencieux

Sur chaque paperasse, je veille... »

Elle se moque aussi bien souvent de Katherine Schratt, « l’amie » de son époux :

« ... Elle se serre le ventre dans son corset

Dont toutes les coutures éclatent,

Elle se tient droite comme une planche

Et singe encore bien des choses

Dans la maison aux géraniums,

Tout est fin et délicat :

Elle s’y prend pour Titania [1],

Cette pauvre grosse Schratt... »

Il est vrai que Katherine Schratt cherche à l’imiter, en vain. On sait également que Sissi tient à sa minceur [2].

Mais elle sait faire preuve d’autodérision, sans aucune pitié ni complaisance pour elle‑même. Au bord de la mer du Nord, lors d’une cure à Amsterdam, elle jette nombre de ses poèmes à la mer « pour rendre hommage aux soles et aux cabillauds », écrit‑elle en ricanant sans doute. Dans un poème, elle se compare à une vieille chatte pelée, mais « de bonne race ».

Excessive comme tout Scorpion, elle donnera toute sa mesure — sa démesure — dans l’affaire Frédéric Pacher, où elle fait preuve d’un certain sadisme à son égard, teinté de masochisme. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire son poème « Long, long ago ». Elle rencontra le jeune Viennois au Bal de La Redoute lors du carnaval de février 1874, lui envoya des lettres signées « Gabrielle » et, pendant des années, joua avec lui le jeu cruel du domino jaune (3).

Mais, en bon Scorpion, elle travaille d’arrache‑pied lorsque ce qu’elle apprend (la Maison III est aussi la maison de l’apprentissage) l’intéresse, comme le hongrois ou le grec ancien.

Le Scorpion reste le signe de la mort, laquelle l’affecte dès son jeune âge ; elle porte le deuil de Richard, son premier amour d’adolescence, qui lui inspire des poèmes d’une gravité remarquable pour son âge. En effet, Saturne, maître du Soleil et grand pessimiste du zodiaque, est en Scorpion, conjoint à la Lune, ici révélatrice de l’imaginaire.

Elle reste toute sa vie attachée à sa Bavière natale [4] et se plaint dès sa lune de miel :

« ... Mais que m’importe l’ivresse du printemps

En cette terre étrangère et lointaine [5] ?

Je me languis du soleil de ma patrie.

Je me languis des rives de l’Isar [6]. »

Il faut évoquer ici ses goûts mortifères, typiques du Scorpion. Le 14 décembre 1855, alors qu’elle vit à la Cour depuis un an et demi, qu’elle est enceinte de trois mois et qu’elle fêtera son dix‑huitième anniversaire dans dix jours, elle a un accident de carrosse sur la route de Schönbrunn. La comtesse de Bellegarde, sa dame de compagnie préférée avant la rencontre d’Ida, prend peur lorsque les chevaux s’emballent, mais Élisabeth s’écrie : « Que n’ai‑je perdu la vie ! »

Une vie dont elle refuse très vite les plaisirs innocents :

« Je ne veux pas d’amour,

Je ne veux pas de vin,

Le premier fait dépérir,

Et le second vomir ! »

Elle pressent sans cesse des catastrophes et ne se trompe guère. Une nuit, elle rêve de la mort de François-Joseph et écrit au matin :

« Est-ce que je n’aurais pas détruit naguère sa joie de vivre ?

Je me le demande avec reproche et agitation

... Dans mon cœur se débattait le serpent du remords.

Ce qui me rend si misérable, c’est justement

Que mon cœur s’est pétrifié et mort pour un tel bonheur. »

2/ Élisabeth la mouette

Dans la mouette, oiseau des mers, se réunissent deux éléments astrologiques qui s’interpénètrent par deux fois dans on TN : l’Eau et l’Air. Neptune et Uranus sont en réception réciproque, formant un aspect – certes mineur – de 30 °, le semi sextile, aspect harmonieux qui semble favoriser l’évolution personnelle.

   […]

Cet amour de la liberté, elle le symbolise donc par la mouette qui fera l’objet de nombreux vers.

Parce qu’elle aime les animaux et les utilise ironiquement dans ses poèmes — comparant les hommes aux ânes, François‑Joseph à un bœuf, Katherine Schratt à une vache, sa belle‑fille Stéphanie à un dromadaire, et, dans un autre registre, son cousin Louis II, roi de Bavière, à un aigle tandis qu’elle se compare elle‑même à une mouette — il est juste de faire de cet oiseau l’en‑tête de ce chapitre.

[…]

Dans la mouette, oiseau des mers, se réunissent deux éléments astrologiques qui s’interpénètrent à deux reprises dans son thème natal : l’Eau et l’Air. Neptune et Uranus se trouvent en réception réciproque et forment un aspect mineur de 30°, le semi sextile, aspect harmonieux qui semble favoriser son évolution personnelle.

[…]

Cet amour de la liberté, elle le symbolise donc par la mouette, source de nombreux vers.

« Je suis mouette de nul pays,

Nulle plage ne m’est patrie

A aucun site je ne m’attache,

Je vole de vague en vague. »

Une autre fois, elle envoie à Louis II ces vers :

« À toi, aigle de la montagne

Hôte des neiges éternelles

Une pensée de la mouette

Reine des vagues écumantes. »

La mouette, avide de liberté, est deux fois prisonnière : d’elle‑même d’abord, en raison de son narcissisme évident, puis de la Couronne, qui est à la fois sa famille et son foyer. Sa prison prend la forme d’un château impérial ; le destin aime ces ironies cruelles. Sissi évoque souvent l’insupportable poids de ses contraintes. Totalement désenchantée, elle sait qu’en accédant au pouvoir — qu’elle n’avait certes pas demandé — elle a définitivement perdu sa liberté. Après une fête à la Hofburg, elle compose ces quelques vers :

« ... De ma tête lourde en soupirant

J’enlève la couronne,

Que de bonnes heures m’a volées

Le bâton de cérémonie,

Les parures chatoyantes,

Je les contemple longuement ;

Pour d’autres, ce seraient de grandes joies,

Pour moi, ce n’est qu’un jour pesant. »

Dès sa lune de miel, elle prend conscience de sa prison dorée :

« Oh, puissè-je n’avoir jamais quitté le sentier

Qui m’eût conduit à la liberté !

Oh, sur la grande route des vanités,

Puissè-je ne pas m’être égarée !

*

Je me suis éveillée en prison,

La main prise dans les fers,

Et plus que jamais nostalgique ;

Toi, ma liberté, tu m’as été ravie ! »

 Et ailleurs :

« Je me suis éveillée d’une ivresse

Qui tenait mon esprit captif,

En vain, je maudis cet échange

Et le jour, liberté, où je t’ai perdue. »

Bien que son cousin Louis II l’effraie parfois, hantée qu’elle est par le spectre de la folie ds Wittelsbach, elle éprouve des affinités avec lui et écrit ces vers lors de son arrestation par ses propres ministres, suivie de sa mort :

« ... Mais la lâche racaille de Cour

Et la famille elle-même en secret

Tissaient perfidement leurs filets,

Ne souhaitant que ma chute

*

Ils envoyèrent sbires et médecins

S’emparer de l’insensé...

Mon cœur préféra s’arrêter

Que de pourrir dans un cachot.

Cette liberté qu’ils voulaient me ravir

Cette liberté je l’ai trouvée dans les flots. »

3/ La Maison V

La Maison V, en Capricorne, aussi contraignante soit‑elle, ne l’empêche ni d’écrire ni d’aimer : Saturne en Maison III forme un sextile avec la conjonction Ascendant/Jupiter. La Maison se prolonge en Verseau, où l’on retrouve Neptune et Vénus, comme on l’a déjà signalé.

On peut supposer qu’elle vit l’amour sur un mode cérébral, voire platonique, « sans démonstration », comme elle l’écrit tranquillement à François‑Joseph. Elle préfère rêver ses amours et les idéalis­er — reproduisant ainsi le schéma‑Richard — plutôt que de les concrétiser, et transcende ses désirs en les couchant sur le papier par ces vers :

« Mon âme soupire, elle exulte, elle pleure

Elle était cette nuit réunie à la tienne

... Et satisfaite, elle frissonne et tremble encore. »

Non, l’amour physique ne l’intéresse guère (il faut dire qu’elle a été traumatisée par sa nuit de noces) et elle écrit dans « La Chanson de Titania » :

« C’est un jeu d’amour que tu veux,

Insensé fils de la terre ?

Quand déjà de fils d’or

Je tisse ton linceul... »

Il n’en reste pas moins qu’elle aime tomber amoureuse, sentiment qu’elle qualifie de « folle fièvre sauvage » dans un autre de ses poèmes. Mais elle préserve soigneusement la liberté de pensée d’une Vénus en Verseau, loin des sentiments mesquins :

« Mais l’amour, il lui faut la liberté

Pouvoir aller, pourvoir venir,

Un château serait une alliance

Quand l’amour est d’abord errance. »

Nous ne saurons jamais la nature de ses relations avec Andrassy, « le beau pendu » hongrois. Après son couronnement en tant que reine de Hongrie – elle a beaucoup œuvré pour l’indépendance du pays -, elle écrit ce poème au titre révélateur : « Oh, puissè-je vous donner votre Roi ».

« Hongrie, Hongrie, terre chérie,

Je connais le poids de tes chaînes,

Que ne puis-je tendre les mains

Pour te sauver de l’esclavage ! »

[…]

La maison V symbolise aussi les enfants et la créativité, deux mots-clés quelle a réunis instinctivement dans ce poème de jeunesse où elle se fait encore des illusions :

« Je suis une enfant du dimanche, une enfant du soleil,

Ses rayons d’or au trône m’ont conduite,

De sa splendeur fut tressée ma couronne

Et c’est en sa lumière que je demeure. »

4/ La créativité

Elle écrit donc de nombreux poèmes, environ 3 000 réunis à ce jour ; ils ne sont pas toujours d’une grande subtilité, mais témoignent d’une vraie sensibilité, exhalent la nostalgie et le romantisme, et trahissent souvent, comme on l’a vu, un esprit caustique. En bonne Vierge, elle passe tout son entourage au crible de son esprit critique. Elle ne cherche pas à composer une œuvre destinée au public immédiat, mais espère être comprise plus tard ; c’est pourquoi elle enferme ses poèmes dans une cassette qu’elle confie à une banque suisse, à n’ouvrir que soixante ans après sa mort, et se cache soigneusement pour les écrire, comme pour la rédaction de ses lettres.

Elle est aussi une épistolière infatigable (cf. Maison III), sans doute parce que l’écriture lui permet de se libérer du carcan qui l’étouffe. Sa plume est toujours acérée — conjonction Mars/Mercure en Capricorne — ; le porte‑plume devient le prolongement d’elle‑même (Mercure, maître de son Ascendant) et l’expression d’une pensée combative (Mars).

Quant à son goût pour la littérature en général, il renvoie à la Balance au Nœud Sud en Maison II, lieu des dons innés et du legs des vies antérieures. Elle aime Heine et les héros de Shakespeare dont la démesure et les excès la rassurent sur sa propre intensité : « Avez‑vous remarqué que, dans Shakespeare, seuls les fous sont des gens raisonnables ? » Rappelons que l’hérédité, la « folie » des Wittelsbach, la marquera tout au long de sa vie et s’aggravera avec les ans. Son intérêt pour les institutions psychiatriques trouve un écho dans sa poésie, comme en témoigne le poème suivant :

« Rare est la vraie sagesse

Plus rare encore la folie.

Oui, peut-être n’est-elle rien

Que la longue sagesse des ans. »

Son poème le plus émouvant, bien qu’un peu naïf, est peut-être celui qu’elle titre « Aux âmes du futur » dont voici quelques extraits :

« ... Solitaire,

Détachée des plaisirs de la vie

Je fuis le monde et toutes ses joies,

Je suis bien loin aujourd’hui des humains,

Des âmes qui aujourd’hui ne la comprennent pas

...

Ô vous, chères âmes de ces temps lointains,

Auxquelles s’adresse aujourd’hui mon âme

Bien souvent elle vous accompagnera,

Et vous la ferez vivre grâce à mes poèmes. »


Poèmes de Sissi
Remarque du 3 octobre 2025 : La IX (Maison des hautes études, de la philosophie, de la pensée, entre autres) en Taureau (vide) renvoie à Vénus en Verseau V (Maison de la créativité), significateur de l’espace et de la liberté, sous la maitrise d’Uranus sextile Soleil. Le Verseau domine volontiers le monde dans les froides hauteurs d’un air raréfié, joue avec les idées et les paradoxes, se comporte (et pense) d’une manière insolite et n’a que faire du qu’en dira-t-on. D’où l’originalité intellectuelle de Sissi et ses propos d’une certaine teneur.

________________________________________

[1] Personnage du Songe d’une nuit d’été (Shakespeare), drame préféré de Sissi. Titania est celui de son héroïne shakespearienne préférée.   

[2] Pratiquement anorexique, elle pèse 50 kilos pour 1,72 m. 

[3] Lire à ce sujet La valse inachevée de Catherine Clément.

[4] En bon Capricorne, elle aime les montagnes.

[5] Elle exagère un peu. Vienne n’est pas si loin de Munich.

[6] Qui arrose Munich.

[7] Le futur empereur du Mexique au destin tragique.

[8] L’empereur lui achète en 1863 un yacht de 1800 tonneaux, Le Miramar.

[9] Toutes les citations sont extraites d’Elisabeth d’Autriche, d’Egon C. Corti, Payot, 1992, première édition 1936.

[10] Soit en 1958, mais elle l’ignore...

* * *